Catéchèse de Mgr Laurent Ulrich devant les néophytes

Dimanche 7 avril 2024 - Saint-Sulpice (6e)

– Dimanche In Albis

Nous nous retrouvons 8 jours après ce baptême que vous avez eu la joie de célébrer, la confirmation que vous avez reçue, l’eucharistie à laquelle vous avez, non pas participé pour la première fois puisque vous avez certainement participé déjà avant, mais à laquelle vous avez pu communier pour la première fois. C’était un moment évidemment extrêmement important. Le moment que nous vivons maintenant s’appelle une catéchèse et, dans la tradition, une catéchèse mystagogique. C’est un mot un peu compliqué. Je vais tâcher de l’expliquer simplement.

Une catéchèse : c’est quoi ? Le mot qui vient du grec signifie : faire écho. L’écho qu’on entend quand on est dans une église, quand on est dans la nature et qu’il y a des rochers qui renvoient le son, l’écho que cela fait : ces sacrements que vous avez reçus, les enseignements que vous avez reçus jusqu’à présent, font écho dans votre vie. Non seulement ils sont entrés dans l’oreille mais ils restent et il y a une sorte de longueur qui, dans votre vie, fait écho, on pourrait dire aussi un retentissement. Cela retentit dans votre vie depuis longtemps, depuis des mois que vous vous êtes préparés, et tout spécialement depuis cette nuit de Pâques où vous avez été baptisés et où il s’est passé beaucoup de choses, peut-être un peu trop. Vous y étiez préparés, on vous avait dit ce qui allait se passer, et maintenant il s’agit de voir, d’entendre, de comprendre, de saisir, comment cela se prolonge dans votre existence.

Et le deuxième mot c’est mystagogique. Vous reconnaissez le mot de « mystère » dans mystagogique, et la deuxième partie du mot signifie en grec « conduire ». Vous savez, c’est le même mot que dans pédagogie. La pédagogie c’est la façon dont on conduit les enfants à la connaissance. Le pédagogue, dans la civilisation grecque, ce n’était pas un bon professeur d’abord, mais c’était celui qui conduisait, qui prenait l’enfant par la main pour l’emmener à l’école. Le pédagogue c’est celui qui conduit l’enfant à grandir. Et donc le mystagogue c’est celui qui conduit à entrer dans le mystère de Dieu. Alors vous savez bien que le mystère de Dieu, dans notre conception des choses, cela n’est pas quelque chose de fumeux, ce n’est pas quelque chose de brumeux. Parfois on dit « mystère », dans le sens de « je n’y comprends rien ». Mais dans la vie chrétienne, « mystère » cela veut dire : la lumière de Dieu qui vient éclairer notre vie. C’est d’une certaine façon tout le contraire du sens commun du mot mystère. On voit bien pourquoi c’est vrai, que Dieu nous reste en grande partie incompréhensible, mais Dieu a choisi de se faire connaître pour que notre vie nous apparaisse beaucoup plus lumineuse, pour que notre vie trouve son sens. Et donc la mystagogie c’est ce qui nous permet d’entrer dans le don de Dieu, ce qui nous permet de comprendre quel don nous avons reçu qui éclaire notre vie. Si vous êtes venus vers Jésus, c’est parce que vous avez compris que Jésus était pour vous une lumière. Vous avez compris que, dans votre vie, il manquait une lumière dont vous aviez vraiment besoin et que cette lumière elle avait un nom : Jésus qui donne sa vie et nous invite à la donner avec lui. Grâce à lui notre vie trouve un vrai sens, une vraie saveur, une vraie force, une vraie beauté.

Donc la catéchèse mystagogique c’est ce que nous avons vécu ensemble depuis des mois, ce que vous avez vécu en vous laissant introduire jusqu’à Jésus : comment cela fait-il écho ? Comment cela retentit dans votre existence et vous fait entrer davantage dans le mystère de Dieu qui est un mystère de bonheur, un mystère de lumière, un mystère de paix, un mystère de bonté, un mystère de don ? Comment la vie trouve ainsi davantage de sens ?

Alors c’est cela que je viens faire avec vous, en relisant les événements que nous avons vécus la semaine dernière. Je dis « nous » car il n’y en avait que deux qui étaient avec moi le soir de la Vigile pascale à Saint-Germain l’Auxerrois, deux catéchumènes de la paroisse Saint-Philippe du Roule devenues baptisées dans cette nuit de Pâques, et vous, chacun, chacune, dans votre propre paroisse, peut-être dans le lieu où vous avez rencontré le Christ il y a des mois ou même des années sans oser tout de suite lui dire que vous étiez prêts à le suivre. Il n’y en avait donc que deux dans l’église Saint-Germain l’Auxerrois samedi soir dernier, le 30 mars, mais vous étiez tous là : tous ensemble nous formions un seul corps qui est l’Église. Et donc même si vous étiez chacun dans votre église, dans votre paroisse, dans l’église que vous avez l’habitude de fréquenter, vous étiez, nous étions, tous ensemble devant le Seigneur et même dans le Seigneur.

La première chose qui s’est passée c’est cela : c’est que nous avons fait une assemblée. Et je voudrais me souvenir avec vous, à partir de cela, de tout ce qui a composé cette soirée pour vous. La première chose donc c’est une assemblée. Quand on est chrétien on n’est pas tout seul. Quand on est chrétien on est avec d’autres. On dit « je suis chrétien », « je suis baptisé », mais en réalité je suis chrétien dans l’Église. Je suis dans une assemblée et nous ne pouvons pas y manquer. Quand nous sommes les uns avec les autres nous savons que le Christ est au milieu de nous. Il l’a dit : quand deux ou trois se tiennent quelque part en mon nom, je suis là au milieu d’eux. Et Jésus dit deux ou trois parce que cela commence même petitement. Et évidemment quand nous sommes dix, vingt, cinquante, plusieurs centaines, plusieurs milliers, le Christ est là aussi et pas moins que si nous sommes simplement deux ou trois. Et nous sommes faits pour faire un corps, nous sommes l’assemblée qui est le Corps du Christ, nous sommes membres du même corps. C’est la première chose.

L’assemblée ce n’est pas simplement une réunion, une réunion amicale, une réunion commerciale, une réunion politique, une réunion culturelle, c’est le Corps du Christ, c’est lui qui est là au milieu de nous et il est la tête de ce corps, c’est lui qui dirige, c’est lui qui commande avec son Esprit comme notre tête, notre cerveau est capable de piloter notre corps. De cette façon-là nous savons que quand nous nous réunissons en l’Église, comme des chrétiens, nous ne sommes pas simplement une assemblée vague, une assemblée de gens qui ne se connaissent pas, une assemblée de gens qui sont venus simplement parce qu’ils avaient un intérêt commun. Non, ils sont ensemble, le Corps du Christ qui témoigne de Jésus ressuscité.

Le deuxième chose qui s’est passée c’est que nous étions d’abord dans la nuit, heureusement le changement d’heure est intervenu juste après ! De telle sorte que nous avons commencé notre soirée, notre vigile, notre veillée de Pâques dans la nuit. Et c’est très bien parce que nous savons que si nous allons vers la lumière c’est parce que nous sommes souvent dans la nuit. Nous sommes souvent un peu perdus dans la vie. Et nous savons que Jésus est la lumière et nous allons vers lui. C’est pour cela que cette nuit de Pâques commence autant que possible dans la nuit : c’est plus juste de commencer dans la nuit. Vous vous souvenez peut-être, ceux qui étaient déjà baptisés, qui participaient à la vie de l’Église, se souviennent peut-être, à l’occasion du confinement, des confinements successifs que nous avons eus, la première fois que nous avons pu célébrer, je crois que c’était en 2021. Il y avait encore des couvre-feux. Nous avons pu célébrer cette vigile pascale à 6h du matin, donc c’était encore bien la nuit, et nous sommes sortis de la vigile pascale dans le jour, et cela a été une très belle expérience pour ceux qui l’ont vécue. Nous sommes passés de la nuit à la lumière, de la nuit au jour. Alors pour figurer au milieu de la nuit que la lumière est bien là, nous tenons les cierges à la main. Vous ne les avez pas tenus depuis le début, depuis que le prêtre ou l’évêque a allumé le cierge pascal vous n’avez eu ce cierge qu’au moment où vous avez été baptisés, mais c’est le signe que vous étiez allés de la nuit au jour et à la lumière. C’est un deuxième signe qui était extrêmement important.

Le troisième signe c’étaient les lectures nombreuses que nous avons faites. Peut-être n’avez-vous pas été complétement attentifs pendant ces sept plus deux lectures, c’est possible ! On a le droit d’avoir des moments d’inattention, mais vous vous souvenez peut-être ce que ces lectures ont dit, ce qu’elles nous ont enseigné, ce qu’elles nous ont permis de comprendre ? La première chose c’est le récit de la Création. C’est Dieu qui donne la vie, c’est Dieu qui aime la vie et qui aime la partager. C’est Dieu qui est à l’origine, avec son amour et par son amour, de la vie que nous avons reçue et c’est pourquoi la première lecture que l’on fait toujours dans les vigiles pascales, c’est le récit de la Création. Vous savez bien qu’il ne s’agit pas de retenir que la Création s’est passée en sept jours, montre en main ! Cela veut dire simplement que c’est une Création qui ne cesse pas de se prolonger, qui ne cesse pas de jour en jour d’être dans la main de Dieu. Et cela nous le retenons : Dieu nous fait le don de la vie, il aime nous la donner, il aime que chaque jour la vie continue, et tout son effort est d’être auprès de nous pour que la vie soit maintenue. Parce que les deux lectures suivantes que l’on entend disent que la vie est fragile. Il y a le récit d’Abraham qui croit comprendre que Dieu lui demande la vie de son fils unique et qui découvre que Dieu ne lui demande pas cela. Il découvre que Dieu lui dit : il faut protéger la vie, il faut garder la vie de ton enfant, je te l’ai donné, cela n’est pas pour que tu le tues devant moi et que tu croies me faire plaisir. Je lui ai donné la vie : c’est pour que tu la protèges. Donc il ne s’agit pas d’offrir des sacrifices humains, mais il ne s’agit pas non plus, c’était la troisième lecture, de réduire les autres en esclavage. Cela, c’est l’histoire du peuple hébreu qui est en Égypte et qui a été mis en esclavage par les Égyptiens, par le pharaon. Et donc là aussi il faut protéger la vie contre les manques de liberté qui peuvent assaillir, tous les désirs de possession qu’un homme ou une femme peut exercer sur un ou une autre. Il faut protéger la vie et la liberté de chacun d’entre nous. Cela c’était le troisième message.

Le quatrième message c’était qu’à travers l’histoire des hommes Dieu ne cesse de faire alliance avec nous, de leur montrer qu’il veut tisser des liens d’amitié, qu’il veut tisser des liens par lesquels se renforcent le bonheur de vivre et le bonheur de savoir que tout vient de lui. Cela s’appelle l’alliance. Et en recevant le baptême vous avez compris que Dieu faisait alliance avec vous, on en reparlera dans un instant. Et puis nous avons entendu deux textes du Livre du prophète Isaïe qui nous dit que Dieu ne cesse de cultiver la terre, de cultiver l’humanité, de faire grandir les fruits de la terre, de faire grandir les hommes et les femmes que nous sommes, de les entretenir dans le bien, dans la bonté, dans la vérité, dans la joie, dans la paix, dans la vie fraternelle. Voilà ce que Dieu veut faire. C’était ce récit d’Isaïe que vous avez entendu : permettre que la vie porte du fruit et qu’elle ne s’arrête pas.

Une autre façon d’en parler - c’était le texte d’un autre prophète, Baruch - c’était de dire : non seulement Dieu donne à chacun d’entre nous la possibilité de grandir et de produire du fruit, mais il nous donne aussi sa sagesse pour vivre, il nous donne des conseils pour nous permettre de garder la fidélité et le chemin - cela c’est extrêmement beau et important - et il nous donne sa parole. Il ne cesse pas de nous parler - j’y reviendrai tout à l’heure - il ne cesse pas de nous entretenir, de nous rappeler qu’il est là, de nous rappeler qu’il a des choses à nous dire. C’est pour cela que vous vous êtes rassemblés ce matin, c’est pour écouter ce que Dieu pourrait avoir à vous dire aujourd’hui. Et puis demain, après demain, vous entendrez de nouvelles choses que le Seigneur ne cesse de nous dire à travers des événements, à travers la lecture de sa Parole, à travers la prière, nous en reparlerons. Et il dit : si tu adoptes ma sagesse, si tu écoutes ma Parole alors tu vivras en paix, tu seras profondément entré dans la paix du cœur et tu pourras la partager autour de toi.

Et enfin, les derniers textes parlent beaucoup de l’eau du baptême. L’eau c’est le signe de la vie, l’eau c’est aussi quelquefois le signe de la mort dans laquelle nous entrons quand nous nous laissons aller. Mais si nous nous laissons aller avec Jésus nous renaissons avec lui et ce signe de l’eau qui nous est donné sans cesse par Dieu à travers la Bible tout entière, à travers l’histoire du peuple hébreu, à travers l’histoire des chrétiens, cette eau c’est toujours le signe que Dieu ne nous abandonne jamais.

Et enfin, ayant fait ce tour de l’histoire du peuple hébreu, nous entendons la bonne nouvelle du Christ ressuscité, et nous savons que la joie la plus profonde que nous avons, la joie la plus profonde dont nous disposons c’est la personne même du Christ qui résume toute cette histoire que je viens de rappeler.
Voilà ce qu’était le troisième signe : l’assemblée, la nuit et la lumière, la Parole de Dieu qui ne cesse de nous expliquer que Dieu fait alliance avec nous.

Le quatrième signe c’est le chant de la litanie des saints. On a invoqué les saints ; on a dit je ne sais combien de fois « priez pour nous », après tous ceux qu’on a voulu nommer ce soir-là, mais la liste pourrait être très longue, on se contente parfois des listes plus courtes. A un baptême d’enfant on fait parfois les litanies de dix noms de saints pas plus. Mais là c’était un peu plus long : quand on fait les ordinations des prêtres, quand on fait d’autres célébrations à d’autres occasions, on chante les litanies des saints. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire que les saints c’étaient des chrétiens, comme nous. Ce sont des chrétiens qui ont vécu comme nous, simplement une vie à la suite du Christ, une vie fidèle. Ils ont été actifs, ils ont été priants, et aujourd’hui qu’ils sont morts, ils continuent d’être actifs et d’être priants : ils prient pour nous, ils sont avec nous tous les jours, de la part du Christ. Cela veut dire que nous ne sommes pas tout seuls, pas simplement nous qui sommes là, mais aussi ceux qui ont vécu avant nous et puis tout un tas d’autres qui n’ont pas été déclarés saints mais qui ont toujours vécu dans la fidélité à Dieu. Ceux-là que nous prions, nous croyons qu’ils agissent encore avec nous : ils ne sont pas morts et enterrés et inactifs, ils sont toujours dans l’amour de Dieu et donc toujours capables de faire quelque chose avec nous et pour nous de la part de Dieu.

Après cette litanie des saints, il y a eu la profession de foi. Vous avez remarqué la profession de foi, c’est dire en même temps : je crois en Dieu, je crois en Jésus-Christ, je crois en l’Esprit Saint, je crois dans l’Église, je suis au milieu de l’Église et je suis un croyant de l’Église qui croit ce que l’Église croit, et puis j’espère la rémission des péchés, la résurrection des morts, la vie éternelle. Car mon espérance est fondée sur ma foi ; je crois en ce Dieu qui nous aime et qui nous conduit jusqu’à la vie éternelle. La foi et l’espérance, ce sont deux mots extraordinaires que nous ne cessons de dire depuis toujours et que nous partageons.

L’année prochaine, en 2025, ce sera le 1700e anniversaire de ce que nous appelons le Symbole de Nicée, vous savez le Credo plus long. Nicée c’est une petite ville aujourd’hui en Turquie, du côté asiatique, et c’est une petite ville où il y a eu un concile, un rassemblement d’évêques, qui ont répondu à l’enjeu qui leur était fait : aujourd’hui comment voulons-nous résumer la foi qui est la nôtre ? Leur réponse, ce sont les mots que nous disons encore 1700 ans plus tard. Donc la profession de foi c’est un dialogue. Et elle était justement prononcée sous la forme d’un dialogue, vous vous souvenez.

Et puis on a béni l’eau, je n’y reviens pas longuement car j’en ai déjà parlé à travers les lectures, mais j’insiste simplement pour dire que Dieu se sert toujours de signes très simples pour les sacrements. Il y a l’eau, il y a le pain, il y a le vin, il y a l’huile, il y a les cierges et la lumière. Voilà les signes très simples dont Dieu se sert pour nous dire : je suis avec vous, je vous donne l’eau du baptême pour la vie, parce que l’eau est un signe indispensable, nécessaire à la vie. Je vous donne cela comme un signe de mon amour : sans eau vous ne pouvez pas tenir, vous ne pouvez pas vivre, donc prenez ce signe de l’eau comme un signe considérable, essentiel, un signe de la nourriture que je vous donne.

Et puis enfin il y a eu le geste du baptême. Vous avez approché votre tête de la cuve dans laquelle il y avait l’eau que l’on avait bénie, et vous avez entendu : Je te baptise, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Je ne sais pas ce que vous avez senti à ce moment-là ? Peut-être vous êtes-vous dit tout simplement : cette fois-ci j’ai le signe que Dieu m’aime, moi, personnellement ? Les autres aussi ! Mais moi je l’entends comme un signe pour moi, je comprends que cette parole m’est adressée à moi.

Et puis vous avez revêtu le vêtement blanc que vous avez, que moi aussi je porte, qui est le signe du baptême, qui est le signe de la rénovation qui se passe en nous grâce au baptême : c’est le signe que nous sommes habillés par le Christ. Nous sommes dans le Christ, le Christ nous recouvre. Quand nous faisons le signe de la croix nous nous laissons revêtir par le Christ aussi, il nous habite de la tête aux pieds, et de l’épaule gauche à l’épaule droite. Nous sommes tous ensemble ainsi revêtus de lui quand nous faisons ce signe de croix, nous nous laissons revêtir par lui. Sainte Bernadette de Lourdes disait : faire bien le signe de la croix c’est déjà une prière. N’oubliez pas cela !

Vous avez reçu juste avant l’onction du Saint-Chrême, ce Saint-Chrême que j’avais consacré trois jours avant dans cette église, le Mercredi saint, comme signe de la Résurrection et comme signe de l’Esprit-Saint qui vient en vous apporter sa force, sa sagesse, son amour, son intelligence, sa capacité à aimer, à pardonner, la force de l’Esprit-Saint qui guide nos vies.

Et enfin, vous avez reçu l’Eucharistie, qui fait que nous sommes le Corps du Christ tous ensemble. Et donc vous êtes devenus avec nous le Corps du Christ, nous sommes devenus ensemble le Corps du Christ.

Après avoir rappelé tout cela, je voudrais dire deux autres choses encore. Qu’est-ce que la vie sacramentelle fait en nous ? Recevoir les sacrements, maintenant l’Eucharistie de façon régulière, mais aussi le sacrement de pénitence, quand vous le voudrez, de façon aussi régulière que possible : l’Eucharistie cela peut être toutes les semaines, et cela peut être tous les jours, le sacrement de pénitence ce n’est pas tous les jours ni toutes les semaines bien sûr. Mais aussi, dans le temps de la maladie, le sacrement des malades, et aussi le sacrement du mariage si vous n’êtes pas encore mariés, le sacrement de l’ordination de prêtre, de diacre, cela aussi c’est une possibilité pour qui devient chrétien.

Qu’est-ce que la vie sacramentelle fait en nous ? Elle entretient ce que le Seigneur nous a donné de multiples manières à travers les événements, à travers ces signes que je viens de rappeler et, je cite simplement le catéchisme de l’Église catholique sur ce sujet qui dit : les sacrements sont des signes. Ce sont des signes - et pas simplement des paroles - efficaces de la grâce de Dieu - du don de Dieu - institués par le Christ et confiés à l’Église par lesquels la vie divine nous est dispensée. Vous recevez la vie divine, nous avons reçu la vie divine par le baptême et nous l’entretenons par ces sacrements. On n’est pas parfait dans la vie, on sait qu’il y a des moments difficiles, on comprend qu’on ne choisit pas toujours le bon chemin pour être fidèle, on sait qu’il faut être nourri intelligemment, qu’il faut être renforcé dans la manière d’adhérer à Jésus, de lui être proche, qu’il faut choisir des chemins dans la vie, il y a des choix à faire à certains moments, des choix difficiles. Il y a des petits choix de tous les jours : est-ce que je choisis de faire le bien plutôt que le mal ? Où se trouve le bien à faire aujourd’hui plutôt que l’indifférence ? Où se trouve le chemin que je dois suivre aujourd’hui avec ma famille ? Avec mes proches ? Avec mes collègues de travail ? Dans le monde tel qu’il est ? Au milieu des grands ressentiments que nous avons, au milieu de l’atmosphère souvent difficile que nous vivons à travers les événements de la guerre, à travers les événements de la violence un peu partout, à travers les relations qui peuvent être toxiques parfois pour nous, pour d’autres, à travers tout cela, comment nous menons notre vie ? Nous avons besoin d’être sans cesse repris en main par le Seigneur, d’être sans cesse conduits, d’avoir le désir d’être avec lui sans arrêt. Les sacrements sont faits pour donner à notre vie de la force et pour donner à notre vie du fruit : qu’elle soit belle, qu’elle soit bonne, qu’elle soit partageable, qu’elle dise quelque chose à chacun d’entre nous.

Le catéchisme continue dans un autre article, en disant : le fruit de la vie sacramentelle est à la fois personnel - il me fait grandir - mais aussi ecclésial - il fait du bien à l’Église. Je me rappelle au mois de novembre dernier à Lourdes, avec les 320 prêtres qui étaient venus pour cette assemblée des prêtres de Paris pendant 3 ou 4 jours, quelques-uns ont demandé le sacrement des malades parce qu’ils se sentaient fragilisés par la vie, pas simplement des prêtres âgés, quelques-uns plus jeunes, déjà troublés par un problème de santé grave. Et l’autre jour, un prêtre qui a reçu le sacrement des malades à Lourdes, au milieu des autres prêtres, est venu me voir et m’a dit : - je suis tellement heureux, je n’étais pas bien au moment de Lourdes, j’étais un peu découragé, déprimé, et j’ai demandé le sacrement des malades, et aujourd’hui j’ai retrouvé, grâce à ce sacrement, la force et la joie d’être chrétien et d’être prêtre, j’étais un peu accablé par la fatigue et le sentiment que ma vie ne servait plus à grand-chose parce que je ne suis plus dans l’activité principale, je suis retiré, mais j’ai vécu quelque chose qui m’a transformé, la force du Christ dans le sacrement des malades, l’onction des malades m’a redonné vie, m’a redonné joie, et je crois que de nouveau mon ministère est capable de remplir ma vie.

Donc le fruit est pour moi mais il est pour l’Église, parce que quand l’Église donne les sacrements, quand moi-même je donne les sacrements, quand je distribue l’Eucharistie, quand je donne le sacrement de la confirmation, quand je donne l’ordination à des diacres, à des prêtres, je sais que cela fortifie l’Église, que cela lui donne davantage le goût d’être disciple de Jésus.

Pour conclure : où est votre fidélité désormais ? Qu’est-ce qu’il vous est demandé de vivre en voulant les sacrements, en les recevant ?

Premièrement il vous est demandé d’être fidèles à la Parole de Dieu. C’est très important, nous la vivons dans notre vie quotidienne, nous pouvons chaque jour lire un petit passage de l’Écriture. Il y a aujourd’hui des applications sur nos téléphones ou sur nos ordinateurs qui nous permettent d’avoir chaque jour quelques lignes de la Parole de Dieu et de la garder dans notre cœur tout au long de la journée. Il y a Prions en Église, Magnificat, qui sont des petits livres dans lesquels on trouve chaque jour des lectures de la messe du jour. Même si on ne va pas à la messe tous les jours, on peut lire l’un ou l’autre de ces textes de la messe de chaque jour. Et c’est une façon de nous associer à l’Église et c’est une façon aussi d’entrer dans la connaissance de Jésus de plus en plus forte.

La deuxième chose qui nous est demandée, c’est la conversion de tous les jours, le changement de vie : l’assouplissement du caractère par exemple, parfois c’est nécessaire ; l’ouverture aux autres, parfois on a besoin de sortir de nous-mêmes et de ne pas être toujours dans nos petits problèmes mais au contraire dans une attitude de service ; la lutte intérieure contre des choses qui nous gênent, qui nous empêchent de grandir ; et puis la jalousie, l’égoïsme, l’orgueil…. Et au contraire l’oubli de soi, la charité, la façon de laisser passer les autres avant nous… les sacrements entretiennent tout cela en nous et nous encouragent à vivre dans le bien. J’aime beaucoup citer, au moment de la confirmation, cette phrase qui est tirée de la Lettre de saint Paul aux Galates qui dit : le fruit de l’Esprit - c’est-à-dire le fruit d’une vie dans l’Esprit avec les sacrements - c’est amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi, voilà Galates chapitre 5, verset 22. C’est quelque chose que l’on peut se redire régulièrement. Voilà le fruit de l’Esprit.

Troisième chose : la vie de prière. Vous l’avez commencée avant d’être baptisés j’en suis sûr, et si vous êtes venus au baptême c’est certainement parce que, peu à peu, vous avez grandi dans le désir de prier et de rencontrer chaque jour le Seigneur. On n’est pas obligé de se fixer des plages de prière très longue que l’on n’arrive pas à tenir. Il vaut mieux faire 5 ou 10 mn chaque jour fidèlement plutôt que de se promettre une demi-heure ou une heure qu’on ne tiendra pas. Mais la fidélité à la prière quotidienne cela entretient en vous la vie des sacrements et la vie chrétienne que vous avez reçues avec votre baptême.

Et puis enfin la vie en Église : rester ce que nous sommes aujourd’hui, être capables de nous engager avec d’autres chrétiens à lire la Bible, à prier ensemble, à nous mettre au service des plus pauvres, à prendre un engagement de quelque nature que ce soit pour le bien des autres. Voilà la quatrième chose qui nous est proposée.

La Parole de Dieu, le changement intérieur, la prière et l’engagement avec les autres dans l’Église, la capacité d’être ensemble pour faire le bien et pour témoigner du Seigneur vivant et ressuscité qui habite en vous : voilà ce que l’Église vous propose de vivre pour que vous demeuriez fidèles à la découverte de Jésus que vous avez faite il y a quelque temps et qui ne cesse de grandir en vous.

Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit.

Amen.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris.

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