Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Messe à la Maison Marie-Thérèse

Dimanche 27 mars 2022 - Maison Marie-Thérèse (14e)

– 4e Dimanche de Carême – Année C

- Jos 5, 9a.10-12 ; Ps 33 (34), 2-3, 4-5, 6-7 ; 2 Co 5, 17-21 ; Lc 15, 1-3.11-32

Frères et Sœurs,

Pouvons-nous croire ce que saint Paul nous dit dans l’épître aux Corinthiens ? « Le monde ancien s’en est allé, déjà le nouveau monde est né. » Comment pouvons-nous croire à ce nouveau monde ? Josué en arrivant dans la terre promise a cru qu’il était arrivé dans le nouveau monde. Il n’y avait plus besoin de la manne, ni de l’eau qui jaillissait du rocher. On pouvait se nourrir et se désaltérer sur la terre que Dieu avait promise, et pourtant, nous savons que le peuple d’Israël, sur cette terre a connu bien des tribulations, des révoltes, la division du royaume, l’exil et l’occupation. Si c’était le nouveau monde, il gardait encore beaucoup du caractère de l’ancien et nous savons, nous, par notre expérience de l’existence, que l’ancien monde n’a pas disparu. Nous savons que la guerre, les épidémies, les tracas de toutes sortes, les divisions dans les familles, bref tous les ennuis de l’existence humaine continuent d’exister, se déploient sous nos yeux et attaquent notre propre existence, en particulier à nous qui arrivons à la fin d’une vie et qui voyons s’additionner les petits tracas et les gros handicaps.

Qu’est-ce que c’est que ce nouveau monde ? Quel nouveau monde désirons-nous ? Un monde de paix ? Un monde de prospérité ? Mais qui va nous donner la paix et la prospérité ? Il y a beaucoup de candidats pour nous promettre que grâce à eux nous allons connaître une nouvelle vie. Il y a beaucoup de désirs qui habitent le cœur des hommes et qui croient que s’ils étaient satisfaits, ils connaîtraient une nouvelle vie. Il y a beaucoup d’attentes pour ce monde nouveau, mais il y a peu de candidats pour prendre le chemin du monde nouveau. Il y a peu de gens qui au cœur de leurs détresses et de leurs difficultés font retour sur eux-mêmes et pensent à la maison de leur père, comme ce fils cadet, loin de sa terre, réduit à la famine, au dénuement complet, qui commence à regretter la maison du Père. Ce temps de carême, c’est précisément le temps où nous sommes invités à faire retour sur nous-mêmes, sur notre vie, à prendre conscience de la pauvreté, des misères, de l’abandon dans lequel nous sommes, et à nous tourner vers le Père. Oui je me lèverai et j’irai vers mon Père. C’est le temps où nous sommes invités à nous lever et à retourner vers le Père. Et à recevoir de lui la surabondance du pardon et de la réconciliation.

Oui, un monde nouveau est commencé. Il n’est pas construit autour de nos désirs, de nos richesses et de nos ambitions, mais autour du pardon et de la réconciliation. Ce monde nouveau est commencé depuis que le Christ a donné sa vie en prenant sur lui notre péché, depuis qu’il a offert sa vie en sacrifice pour le salut de tous les hommes. Oui, nous ne le voyons - pas encore complètement car il n’est pas accompli - mais il est commencé. Un monde nouveau est déjà né : le monde de la réconciliation et de l’amour. Et c’est parce que nous croyons en cette réconciliation et en cet amour que nous pouvons, non seulement supporter les difficultés de l’ancien monde qui subsistent à travers l’histoire des hommes, comme aussi à travers notre propre vie. Non seulement les supporter, mais encore les affronter avec joie, avec la joie de celui qui est réintégré dans la maison du père, avec la joie de celui qui est revêtu d’un nouvel habit pour prendre place au festin du Royaume. Oui, nous sommes pressés de toute part, comme saint Paul le dit dans une de ses épîtres, mais nous ne perdons pas la confiance dans l’amour du Père qui vient à nous. Nous sommes pressés de toute part mais nous ne sommes pas écrasés. Nous sommes éprouvés mais nous ne sommes pas désespérés, nous croyons que l’amour de Dieu est plus grand que notre cœur et nous sommes dans la joie de savoir que le Christ ressuscité nous invite à sa table, lui qui est venu manger avec les publicains et les pécheurs.

Amen.

+André cardinal Vingt-Trois, archevêque émérite de Paris

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